- Qu’est-ce que c’est que cette baraque ?! - Mlle Savage, ceci sera votre logement pour l’année à venir, et, nous l’espérons, toutes les suivantes également. - C’est ça, ouais… On dirait une maison de poupée Barbie ! Vous vous foutez de moi ? - Anna fusillait du regard l’employé du Fil Rouge qui tentait, tant bien que mal, de continuer ses explications malgré les nombreuses interruptions de la jeune femme. Il soupira et termina son monologue :
- Libre à vous de la décorer à votre goût. Vous y vivrez avec votre âme-sœur, Mlle… Campbell, acheva-t-il après avoir jeté un coup d’œil au formulaire entre ses mains. - Génial.
L’homme la fixa encore un instant, désappointé par l’attitude agressive de son interlocutrice. Il finit par hausser les épaules, lui souhaiter une bonne journée et rentrer dans la voiture noire de marque inconnue qui les avait amenés jusqu’à la bâtisse. Anna regarda s’éloigner le véhicule avec une satisfaction venimeuse. Quitte à passer un an avec une inconnue dans une maison construite à la chaîne, autant le faire sans pingouin en costume dans les pattes.
Elle resta un instant immobile, fixant la porte avec méfiance. Puis escalada finalement les quelques marches du perron, saisit la poignée et franchit le seuil. Tout, à l’intérieur, semblait neuf. Un véritable décor de cinéma.
« Sauf que là, les réalisateurs ont pété un putain de câble… », songea-t-elle en marchant lentement, sans bruit, au travers des pièces. Chaque objet était à sa place. Pas un grain de poussière ne venait ternir l’éclat du mobilier verni. Une perfection à vomir. Elle commença à observer les murs, à étudier les angles des pièces et des meubles. Combien de caméras et de micros avait-on disposé ici ? A quel point les murs de cette maison étaient-ils transparents pour leurs observateurs ? Elle ne fit pas mine de chercher quoi que ce soit. Si cet endroit était réellement surveillé, autant n’éveiller aucun soupçon. Elle continua sa visite.
La cuisine regorgeait de couteaux. Intéressant.
En arrivant au salon, un détail ne put lui échapper : une veste, suspendue à une chaise, jurait avec l’ordre strict qui régnait alentour. Elle n’était donc pas seule. Bien sûr. Cette… Lauryn Campbell dont on lui avait parlé devait être arrivée avant elle. Sans doute parce qu’on avait dû enfermer Anna un moment après qu’elle ait lancé une flopée d’insultes à faire pâlir le capitaine Haddock à ses ravisseurs. Elle n’avait pas pu s’en empêcher. On ne lui en avait pas tenu rigueur. C’est normal, qu’ils disaient. Votre réaction est compréhensible. Connards.
Elle fit quelques pas vers la veste, et l’aperçut alors, assise sur un sofa et semblant observer la décoration. Elle. Ce ne pouvait être qu’elle. Avec rage, elle dut admettre que le Fil Rouge n’avait pas entièrement menti : cette jeune fille aux yeux bleus rêveurs et à l’air doux, qui ne l’avait pas encore remarquée, l’attirait inexorablement. Elle ne la désirait pas, bien sûr. Mais il lui sembla que le trou qu’avait laissé la mort de son frère dans sa poitrine venait, juste un peu, de commencer à se refermer. Il lui sembla qu’elle ne pouvait faire autrement que de la protéger. Et elle sut, au premier regard, que jamais elle ne pourrait la mêler à ses sombres affaires de métiers.
- Lauryn, je suppose ? demanda-t-elle d’un ton un peu moins bourru que d’habitude. J’crois qu’on est parties pour un an de coloc.
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Lun 11 Juin 2018 - 15:21
C'est donc toi... Anna Savage & Lauryn Campbell
Lauryn avait été plutôt effrayée par cet enlèvement, qui ne l’aurait pas été. Effrayée et un peu intriguée. Elle avait l’impression de lire quelque chose qu’elle ne croyait possible que dans ses livres.
Une fois qu’une dame habillée de noir, tellement cliché, c’était génial, lui avait expliqué la raison de sa présence sur cette belle île, la jeune fille s’était légèrement détendue. Pas entièrement, bien sûr, elle ne faisait pas confiance à quelqu’un qui l’avait enlevée loin de chez elle pour ce genre de raison, c’était très louche. Cependant, il n’y avait aucune menace contre sa personne et cela la soulageait.
En même temps, rien que l’enlèvement était étrange. Son père était pauvre et sa popularité en tant que scientifique avait disparu il y a bien longtemps. Sa mère agissait comme si elle n’avait jamais existé, donc peu probable que des ennuis viennent de là-bas.
C’est ainsi qu’elle s’était retrouvée devant une maison qui ne ressemblait pas à une bâtisse hantée, c’était déjà cela. Une fois à l’intérieur, tout était propre et parfaitement rangé. Elle se dit soudainement que cela allait être compliqué pour elle pour garder la maison dans cet état. Elle avait grandi dans une maison constamment en désordre comme si c’était la norme.
La dame en noir lui informa du nom de son âme sœur, Anna Savage, avant de partir sans rien dire de plus. Ne sachant pas trop quoi faire, elle posa sa veste sur le dos d’une des chaises et explora la maison. Tout était très sobre et impersonnel. Il faudrait qu’elle change tout cela si elle voulait s’y adapter un jour. L’un des points positifs était les chambres, elles étaient assez spacieuses et il y a en avait bien deux. Avec toute cette histoire d’âme sœur, elle avait eu peur qu’ils forcent encore plus les choses, mais non, elle allait avoir son espace personnel.
Tout en allant s’asseoir sur le canapé pour réfléchir un peu, elle se demanda si sa future colocataire allait bientôt arriver. Elle n’eut pas à attendre beaucoup. Prise dans ses pensées, sur "à quel point toute cette histoire pourrait faire sensation en livre", elle n’avait pas entendu Anna arriver.
- Lauryn, je suppose ? Demanda-t-elle d’un ton un peu moins bourru que d’habitude. J’crois qu’on est parties pour un an de coloc.
Lauryn manque de tomber du canapé par son sursaut. Elle se leva rapidement et observa la femme devant elle. Elle se sentit très étrange et compris que c’était à cause du Fil Rouge. Ce n’était pas un ressentit désagréable du tout, bien au contraire, elle avait envie de ressentir cela pour toujours. La femme en face d’elle était très belle, mais elle ne semblait néanmoins pas très contente. Plutôt normal étant donné la situation. Elle lui fit donc un grand sourire.
- Hey, je ne vous avais pas entendu arriver ! Oui, c’est bien moi. Et vous, Anna ? J’espère que je ne serai pas une mauvaise colocataire… Toute cette situation est étrange et un peu effrayante, non ?
Elle se frotta légèrement le bras droit de sa main gauche, inconfortable, se demandant ce que d’autres personnes pouvaient bien penser de toute cette situation tellement incroyable.
Dernière édition par Lauryn Campbell le Mer 11 Juil 2018 - 11:11, édité 1 fois
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Lun 11 Juin 2018 - 22:37
Anna SAVAGE
Lauryn Campbell
「C’est donc toi…」
La jeune femme bondit du sofa et faillit en tomber, faute d’équilibre. Anna observa, un sourcil levé, la petite brunette se lever et lui sourire de ses lèvres franches et douces. Pendant une seconde d’éternité, Anna se perdit dans les détails du visage de son interlocutrice. Sa mauvaise habitude d’analyser son entourage se teinta ici d’une contemplation presque désintéressée de ce visage à la mâchoire droite, au teint hâlé dont une mèche brune rebelle cachait en partie le front. Une femme du sud. Une femme dont la chaleur des terres où elle avait sans doute vécu semblait émaner de sa posture timide. Puis elle parla, s’exprimant dans un anglais à l’accent australien qu’Anna ne manqua pas de noter.
- Hey, je ne vous avais pas entendu arriver ! Oui, c’est bien moi. Et vous, Anna ? J’espère que je ne serai pas une mauvaise colocataire… Toute cette situation est étrange et un peu effrayante, non ?
Anna laissa échapper un petit sourire sarcastique.
- Un peu effrayante ? T’as pas l’air très paniquée, gamine.
Une Parfaite. Une putain de Parfaite qui semblait considérer sa situation avec un désappointement tout relatif, et qui s’était déjà faite à l’idée qu’elle ne pourrait rien y faire. L’année s’annonçait longue. Elle fronça les sourcils, ayant espéré tout du moins que cette Lauryn soit de son côté. Elle ne pourrait donc lui faire part d’aucun secret. Trop risqué. Contrariée, elle croisa les bras sur sa poitrine et déclara :
- J’te préviens de tout suite, ma grande. J’aime que les mecs, j’suis une grande gueule et j’ai bien peur d’être une très mauvaise coloc. Désolée d’avance.
La dénommée Lauryn semblait mal à l’aise. Compréhensible. Peut-être n’était-elle pas un cas aussi désespéré qu’on aurait pu le croire, après tout. Anna savait qu’il était de son devoir de ménager les victimes, innocents rouages de cette machine à tisser infernale, mais sa frustration à l’idée de ce qui allait l’attendre durant les prochains mois prenait le dessus. Elle aussi, elle était devenue un rouage, que des aiguilles perforaient d’un fil rouge pour l’assembler à la toile écarlate que semblait broder cette araignée sans visage. Et elle avait beau tempêter, elle avait eu le choix. Elle avait décidé de se laisser prendre.
Assume tes conneries, maintenant, songea-t-elle.
- A part ça, ajouta-t-elle avec un soupir, pas de quoi s’inquiéter. Je sais faire la cuisine, je suis pas encombrante et je t’emmerderai pas dans tes affaires. Et je serai pas souvent là le soir. Ni la nuit.
Ces quelques points énumérés, elle réussit enfin à détourner les yeux du visage envoûtant qui lui faisait face.
- Je suppose que t’as déjà tout visité. Y a combien de chambres ? J’prendrai le canapé si besoin, t’emmerde pas. Ah, et j’te laisse arranger tout ça comme tu veux. Tant que je peux vadrouiller, ça me va.
Elle montra d’un geste large l’ensemble du salon. Elle disait vrai. Elle se moquait bien du décor, tant que c’était vivable. Elle avait vécu dans tellement de chambres d’hôtels, de maisons de passage et d’appartements étrangers qu’il ne lui fallait pas grand-chose pour se sentir chez elle. Si elle pouvait posséder une chambre pour elle seule, elle songerait alors à l’agencer dans quelque chose d’un peu plus… contrasté que ce beige porcin qui recouvrait chaque mur.
Elle avait vu, sur un plan de la ville, qu’il existait une zone de divertissement où l’on trouvait plusieurs bars de thèmes en tous genres. Musique forte, basses qui vibrent, whisky attendant sagement sur le comptoir : rien ne valait ce contexte pour lier des contacts. Mais cela était pour plus tard.
- Des remarques particulières, gamine ? demanda-t-elle, bien qu’elle eût d’autres sujets en tête.
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Mar 12 Juin 2018 - 14:41
C'est donc toi... Anna Savage & Lauryn Campbell
Lauryn dévisageait cette femme lorsqu'elle lui parlait. Elle commençait un peu à l'agacer pour être honnête, avec cette manière de s'adresser à elle « gamine » « ma grande ». Elle semblait se prendre pour mieux quelqu'un de mieux qu'elle. Du moins, c'était l'impression que la jeune femme avait d'Anna. Heureusement, Lauryn était plutôt douée pour intérioriser ce genre de sentiment négatif et essaya de passer au-dessus.
Elle remarqua cependant que la femme en face d'elle semblait déçue. Déçue par elle ? Elle ne lui avait rien fait pourtant, s'attendait-elle à quelque chose ? Lauryn n'avait aucune idée de qui pouvait être sur cette île qu'elle ne connaissait pas du tout, tout était une surprise. Comment Anna, pouvait-elle s'attendre à quelque chose ? Connaissait-elle quelque chose ?
Non.
Il ne fallait pas qu'elle parte sur ce genre d'interrogation, sinon elle allait commencer à devenir paranoïaque et se faire des idées fausses. Ce n'était jamais une bonne chose et elle ne voulait surtout pas avoir de problème. Même si cela pouvait être intéressant.
- Il y a deux chambres donc pas de problème et je peux faire le ménage du coup. Et sinon, je peux faire le ménage, ça n'a pas l'air trop compliqué.
Comme elle ne savait pas ce qu'elle allait faire de ses journées, visiblement devenir amie avec Anna n'avait pas l'air d'être dans les plans de la concernée, mais le fait qu'elle sache déjà ce qu'elle allait faire était quand même très étrange.
Non.
Lauryn.
Stop.
- Et je n'ai rien à rajouter pour le moment, l'ancienne. Je prends la chambre de droite, il y a une étagère pour des livres et un bureau. Si ça ne dérange pas bien sûr !
Elle avait dit « l'ancienne » d'un ton enjoué pour ne pas donner l'impression que c'était agressif.
- Tu as déjà visité l'île ? Je pensais aller l'explorer en fin de journée quand il fera un peu moins chaud.
Elle ne savait pas trop si elle pouvait faire la conversation, pour être honnête, Anna était un peu intimidante. Habituellement, elle s'entendait facilement avec tout le monde donc elle ne se posait pas trop de questions. Elle n'avait pas non plus envie de déranger sa colocataire. Tout cela semblait déjà compliqué et cela la rendait un peu triste. Elle était loin de chez elle, ne connaissait personne et avait l'air d'avoir déjà saoulé son âme-soeur.
La jeune femme sembla troublée par ses propos. Voire contrariée. Sans déconner. Cependant, elle ne fit aucune remarque et se contenta de répondre :
- Il y a deux chambres donc pas de problème. Et sinon, je peux faire le ménage, ça n'a pas l'air trop compliqué.
Deux chambres. Parfait. Le Fil Rouge avait finalement quelques limites dans sa conduite… Etait-ce rassurant ou au contraire prémisse de desseins plus noirs ? Elle ne devrait pas manquer de noter ce détail dans son rapport.
- Tant mieux. Pour le ménage, on se partagera le truc. J’suis pas une sauvage, non plus.
- Et je n'ai rien à rajouter pour le moment, l'ancienne. Je prends la chambre de droite, il y a une étagère pour des livres et un bureau. Si ça ne dérange pas bien sûr !
« L’ancienne » ? Elle esquissa un sourire à cette appellation dont elle comprit la raison. La demoiselle n’avait pas apprécié sa façon de parler. Qui donc aimerait se faire traiter de gamin ? Certainement pas Anna. Mais l’apparence toute innocente de Lauryn ainsi que sa propre mauvaise habitude de parler comme un homme de quarante ans lui avaient soufflé cette dénomination.
Ainsi, la jeune femme avait finalement un peu de caractère derrière ce masque de politesse lustrée. Ce n’était pas pour lui déplaire. La soumission, c’était bon pour les chiens. Et en certaines circonstances peu chrétiennes, mais ce n’était pas le sujet. La personnalité qui commençait à dessiner devant elle lui plaisait.
- Pas de problème, gamine, répliqua-t-elle avec insistance et un air joueur. T’aimes les livres ?
Connaître un peu plus la jeune femme l’intéressait, puisqu’il était plutôt appréciable de savoir avec quel genre de personne elle allait passer l’année. Elle pouvait déjà en faire un rapide portrait : calme et polie, mais avec un joli répondant. De toute façon, elle avait aussi besoin de savoir si les personnes enlevées avaient des points communs ou si tout relevait réellement du pur hasard. Ou d’un véritable fil rouge. Après tout, Lauryn n’exerçait-elle pas sur elle une aura certaine ?
Elle songea un instant au fait que la jeune femme soit en réalité une fausse victime travaillant pour l’organisation, mais l’écarta bien vite. Elle n’y songerait que s’il y avait lieu de douter. Inutile de sombrer dans une paranoïa où beaucoup devaient déjà être plongés après leur arrivée.
- Tu as déjà visité l'île ? Je pensais aller l'explorer en fin de journée quand il fera un peu moins chaud.
- J’viens d’être lâchée ici, répondit aussitôt Anna. Donc non, je connais rien du coin. Mais t’as raison, faudrait voir un peu à quoi ça ressemble. J’ai envie de bouger. J’te l’ai dit, je suis tout le temps en vadrouille.
Elle hésita à visiter l’île en compagnie de Lauryn. Ses choix d’action seraient restreints. Mais après tout, un repérage des lieux était déjà amplement nécessaire et faisable avec la jeune femme. Les rencontres intéressantes, elles, attendraient sans doute le soir. Elle ne doutait pas que Lauryn voudrait rentrer pour la nuit.
- On fera le tour ensemble. Si t’as envie. Histoire de causer. Parce que j’te rappelle qu’on est parties pour un an ici. Autant s’parler.
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Dim 24 Juin 2018 - 16:17
C'est donc toi... Anna Savage & Lauryn Campbell
Lauryn était plutôt rassurée de voir qu'Anna n'avait pas pris mal le fait qu'elle l'ait appelée « l'ancienne ». Elle avait quand même espéré qu'elle arrête donc de l'appeler « gamine » pour que Lauryn en fasse de même, mais ce n'était pas le cas. Tant pis. Elle allait bien si habituée si elle pouvait répondre de la même manière sans craindre de représailles.
Elle était aussi rassurée de voir que la femme en face d'elle faisait l'effort de s'intéresser à ce qu'elle pouvait aimer.
- Oui ! J'étudiais la littérature française avant d'arriver ici. C'est un peu dommage d'ailleurs, j'aimais bien mon cours de littérature comparée, je voulais vraiment aller à ma prochaine leçon. Tant pis, peut-être que je trouverai des livres pour compenser.... S'il y a une bibliothèque !
Elle venait de réaliser que, peut-être, il n'y aurait pas de bibliothèque ou librairie, si c'était le cas, elle ne voudrait pas rester une seule seconde de plus dans ce lieu. Elle s'était toujours dit que si un paradis existait, il ne pourrait être bien qu'avec des livres.
- Et toi ? Tu faisais quoi avant d'atterrir ici ? Si ce n'est pas trop indiscret, bien sûr.
Honnêtement, en regardant sa colocataire, l'imagination de la plus jeune travaillait énormément. Il faut dire que c'était un peu maladif chez la jeune fille d'imaginer ce que les gens pouvaient faire dans leur vie. Parfois, elle allait en ville, s'asseyait sur un banc et imaginait quel genre de vie, les passants pouvaient bien avoir en fonction de leurs habits, attitudes, manière de marcher et parler. Souvent, cela la motivait pour écrire de petites nouvelles. Tous ses écrits étaient désormais loin d'elle. Devait-elle recommencer et faire une nouvelle série de nouvelles sur ce qui se passait ici ?
- Ça me va très bien de visiter avec toi, mais je peux être un peu bavarde, surtout lorsque je rencontre de nouvelles personnes, j'espère que ça ne te dérange pas trop ? On ne nous a pas dit grand-chose, mais c'est quand même une expérience unique, tu ne trouves pas ?
Il y avait dans sa voix un mélange d'excitation et de curiosité.
- On se croirait dans un livre ! Je me demande si je devrais prendre des notes, au cas où.
Elle rentra dans une réflexion, si elle le faisait, sur quel format, un petit carnet ? Des feuilles et un classeur ? Des couleurs ou juste tout écrire en noir ? Crayon de papier ?
La jeune femme afficha un air clairement soulagé quand Anna lui posa quelques questions. Qu’est-ce qu’elle croyait ? Elle n’allait pas simplement faire comme si elle n’existait pas. Pas son genre. Et impossible de toute façon, puisque cette sensation ne la quittait pas.
- Oui ! J'étudiais la littérature française avant d'arriver ici. C'est un peu dommage d'ailleurs, j'aimais bien mon cours de littérature comparée, je voulais vraiment aller à ma prochaine leçon. Tant pis, peut-être que je trouverai des livres pour compenser.... S'il y a une bibliothèque ! Et toi ? Tu faisais quoi avant d'atterrir ici ? Si ce n'est pas trop indiscret, bien sûr.
Elle parlait beaucoup. Tant mieux, d’un certain côté. Ça faciliterait les échanges. Une petite étudiante de lettres, donc, à fond dans les livres. Pourquoi pas ? Cela collait bien au personnage. Elle l’imagina, plongée dans ses lectures jusque tard le soir, à dévorer chaque ouvrage qui lui tombait sous la main. Oui, cela correspondait bien.
- Je vois, encore dans tes études. Faudra s’renseigner pour trouver des livres, j’sais pas s’ils y ont pensé, tu sais… Bon, bah j’me présente vite fait : Anna, ça tu le sais déjà, flic de métier, mais tu l’as ptet lu dans le dossier. J’ai pas lu le tien. Je devrais ?
Le dossier sur son âme-sœur qu’on lui avait en effet donné n’avait pas été ouvert depuis. Bien que sa curiosité soit très forte, son dégoût pour toute cette histoire l’avait poussée à ne jamais s’y intéresser. Maintenant, autant demander. Et puis, si elle lui mentait, elle aurait tout le loisir de vérifier. A moins que le dossier soit faux. Bordel, ne pas tomber dans la psychose.
- Y a pas grand-chose à dire sur moi, de toute manière. T’as dû remarquer que j’suis pas la plus délicate des nanas. Déso pour les conversations culturelles. Pas mon truc.
Son truc, c’était l’action. La traque, les faux-semblants, les énigmes et les explosions. Mais ça, elle n’allait peut-être pas le mentionner. Autant rester le plus sympathique possible aux yeux de sa nouvelle colocataire. Qui n’avait pas l’air taillée le moins du monde pour l’action. Trop douce. Bien trop douce.
- Ça me va très bien de visiter avec toi, mais je peux être un peu bavarde, surtout lorsque je rencontre de nouvelles personnes, j'espère que ça ne te dérange pas trop ? On ne nous a pas dit grand-chose, mais c'est quand même une expérience unique, tu ne trouves pas ?
Bavarde, ça, elle l’avait remarqué. Suffisait de la lancer sur un sujet, et la fille était partie. Mais, ça ne la dérangeait pas. Ça l’occuperait. Elle tiqua sur la dernière remarque de Lauryn. Expérience unique. Comme si on parlait d’un parc d’attraction. Mais c’était une putain de prison, ici. Une grande et belle prison dorée, mais avec des barreaux bien solides.
- Pas d’problème. Ça me fera d’la compagnie. - On se croirait dans un livre ! Je me demande si je devrais prendre des notes, au cas où. - Un livre ? Ouais, 1984, sans doute. Tu sais comment ça finit ? Le gars se fait prendre et il va mourir. Les cages, c’est jamais drôle, gamine. Qu’elles soient en or ou non.
Le ton amer d’Anna laissait transparaître le fond de sa pensée. Elle jeta un regard derrière Lauryn, apercevant des escaliers.
- C’est quelles pièces, à l’étage ? Les chambres ?
Elle préférait détourner la conversation de ce sujet houleux. Elle aurait tout le loisir de l’aborder quand elles auraient fait plus ample connaissance. Après tout, elles avaient toute l’année. Et à la fin, Anna aurait soit échoué, soit gagné. Ou bien elle serait morte. Mais cela n’arriverait pas, merde.
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Jeu 12 Juil 2018 - 19:53
C'est donc toi... Anna Savage & Lauryn Campbell
- Je n'ai absolument pas lu le dossier, je n'aime pas apprendre sur les gens par ce type de biais, je préfère connaître la personne par moi-même ! Je sais juste que tu t'appelles Anna puisqu'ils me l'ont dit. Par contre, ça ne me dérange pas si tu lis le dossier sur moi, tu es totalement libre, je n'ai rien à cacher.
Lauryn était un peu déçu que sa colocataire ne soit pas du genre à partager de long débat passionné, mais elle n'était pas étonnée, c'était plutôt rare ce genre de personne. Peut-être qu'une autre personne sur l'île serait comme elle. Il fallait de toute manière qu'elle aille rencontrer un maximum de personnes pour en savoir plus et avoir plus de matière pour son futur livre. Oui, elle avait eu l'idée du livre, de ce fait, il serait fait, même si cela allait lui prendre énormément de temps. De toute manière, tous les bons livres n'étaient pas écrits du jour au lendemain.
Cependant, sa colocataire avait l'air d'avoir du vécu, de ce fait, elle avait sans doute une vie intéressante à découvrir, ce qui était tout aussi bien que les débats culturels. Il ne fallait pas non plus qu'elle s'avance trop, elle allait être déçue.
Et soudainement, Anna fit quelque chose qui déchira Lauryn. Comment osait-elle ? C'était pleinement cruel ? Elle n'avait rien fait pour mériter un tel traitement !
En effet, elle dramatisait peut-être un peu trop.
Elle dit d'une petite voix, à la fois triste et boudeuse :
- Je n'ai pas encore eu le temps de lire ce livre-là, j'avais réussi à ne pas me faire spoiler....
Néanmoins, elle se reprit rapidement pour rebondir :
- Cette réflexion est beaucoup trop fataliste pour moi. Des cages, on vit tous dans les nôtres de toute manière, certes elles ne sont pas physiques comme ici, mais mentales et pour moi, c'est bien pire que cette situation. Au contraire, ici, on peut s'émanciper de ce qui nous a toujours retenu, par la pression de nos pairs, pas les règles et lois de nos pays !
Elle pencha la tête en continuant sa réflexion, elle faisait cela lorsqu'elle voulait réfléchir un peu plus, par réflexe.
- Je dis peut-être ça parce que pour être honnête, pour le moment, rien ne me donne envie de retourner à ma vie précédente, mais je ne pense pas que ce soit si dramatique. Rien n'est immuable et certainement pas cette situation saugrenue. De plus, je pense que si les gens pourraient l'accepter pour le moment, ça ne durera pas et lorsqu'ils commenceront à vraiment avoir envie de retourner à leur précédente vie, tout risque de changer radicalement. Il faut toujours se méfier des foules, elles peuvent être tout autant créative que destructrice et ce genre d'événement, pas si courant, est toujours intéressant à assister de loin.
« Et à retranscrire en livre » ajouta-t-elle mentalement.
- Il faut juste patienter un peu et moins je compte bien profiter de cette expérience pour avoir une expérience mémorable et je verrai bien ou ça me conduit ! Et puis, il y a pire comme cage qu’une magnifique île ?
Puis elle s’arrêta quelques secondes.
- Désolée, je parle vraiment trop.
Elle rougit de gêne, Anna devait la trouver chiante et peut-être un peu trop stupide ou niaise. Elle rajouta pour se rattraper.
- Bien sûr, tu peux ne pas du tout être d’accord avec moi…. Et oui, au-dessus, ce sont les chambres, il y a aussi une salle de bain.
Elle se frotta l’arrière de la tête et commença à se diriger vers les escaliers, pensant qu'Anna voulait aller voir.
La petite Lauryn semblait décidément ouverte à la discussion et enjouée à tout point de vue.
- Je n'ai absolument pas lu le dossier, je n'aime pas apprendre sur les gens par ce type de biais, je préfère connaître la personne par moi-même ! Je sais juste que tu t'appelles Anna puisqu'ils me l'ont dit. Par contre, ça ne me dérange pas si tu lis le dossier sur moi, tu es totalement libre, je n'ai rien à cacher.
Anna sourit. Lauryn ne savait donc rien sur elle. Peut-être serait-elle intéressée par son histoire, après tout. Les histoires de flic, pour les honnêtes gens, ça devait être passionnant. Même si elle considérait pour sa part que le plus intéressant était souvent le plus illégal.
- J’pense que discuter est une meilleure option, répondit-elle en haussant les épaules. Les dossiers que je lis, d’habitude, ça raconte pas des choses agréables.
Et il s’agissait de dossiers de cibles. Or Lauryn n’était pas une cible. Autant ne pas commencer à l’étudier sous tous ses recoins, ce qu’elle jugeait tout aussi malsain que l’étrange sensation que lui procurait la présence de l’australienne.
Soudain, sans qu’Anna comprenne immédiatement pourquoi, le visage de son interlocutrice se décomposa. Merde. Qu’est-ce qu’elle avait fait, encore ? Elle leva un sourcil, attendant des explications. D’une voix boudeuse, Lauryn marmonna :
- Je n'ai pas encore eu le temps de lire ce livre-là, j'avais réussi à ne pas me faire spoiler....
L’information mit quelques secondes à parvenir à l’esprit d’Anna, qui resta figée. Puis elle comprit et eut un mal fou à se retenir de rire, et bien qu’elle en ait très envie, elle sut se maitriser et répondit simplement d’une voix légèrement moqueuse :
- Mes excuses, je pensais que quand on faisait des études littéraires en anglais, c’était un classique…
Mais Lauryn embraya très vite et commença à lui exposer sa vision de leur carcan. Anna fronça les sourcils. Sous cette vision qui semblait très optimiste, elle trouva que le fond de l’argument était d’un pessimisme extrême. S’émanciper…
- A l’extérieur, les cages, on y rentre tout seul, gamine. Et ça fait toute la différence. Les règles, les lois, t’y obéis parce que tu l’as choisi. Ici, j’ai pas choisi d’être enfermée sur une île.
Mais Lauryn continua. Elle l’écouta parler en affichant une mine de plus en plus maussade face à ses réflexions.
- Moi, mon ancienne vie, je veux la retrouver. Et je vais certainement pas accepter ma situation, parce que ça n’arrangerait rien du tout. C’est comme dire que les femmes battues n’ont qu’à fermer leur gueule pour qu’on leur tape plus dessus. Ça résout rien. Et même si des gens contents d’être là voulaient rentrer chez eux en cours d’année, ça changerait que dalle. Même si t’es sur une belle île que t’aimes bien « l’expérience », c’est loin d’être le cas pour tout le monde. Et heureusement.
Anna s’était efforcée d’employer un ton aussi calme que possible malgré la colère qui montait en elle. Ce qui devait donner quelque chose comme une voix froide et des yeux flamboyants. Bonjour l’image.
Lauryn, après sa tirade, s’était excusée, rougissante. Elle changea de sujet, sans doute gênée, et répondit à sa question concernant l’étage, vers lequel elle se dirigea. Machinalement, Anna la suivit. Il fallait bien qu’elle voit à quoi ressemblerait sa chambre, de toute façon. Et trouver les caméras, les micros, et savoir comment s’en débarrasser.
- Tu pourras prendre la chambre que tu veux, déclara-t-elle avec détachement tandis qu’elles montaient les escaliers.
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Mar 14 Aoû 2018 - 19:39
C'est donc toi... Anna Savage & Lauryn Campbell
- J'pense que discuter est une meilleure option, répondit-elle en haussant les épaules. Les dossiers que je lis, d'habitude, ça raconte pas des choses agréables.
- Oh ! Tu lis des dossiers pour ton travail ?
Elle se mit à réfléchir sur quels types de jobs pouvaient avoir des dossiers avec des choses « pas agréables » d'écrites dedans. En médecine ? Elle observa la femme en face d'elle. Certes, il ne fallait pas juger quelqu'un sur le physique, mais vu la manière de parler et de se comporter, Anna ferait un médecin très... Original.
Elle n'eut guère le temps de s'égarer plus, son interlocutrice continuait avec la conversation.
- Mes excuses, je pensais que quand on faisait des études littéraires en anglais, c'était un classique...
- Oui, c'est vrai, mais je fais des études de littérature française ! Et puis, je ne pense pas qu'à présent, ce soit humainement possible de lire tous les livres classiques, surtout si on ne veut pas se contenter que d'une seule culture. J'aimerais aussi lire plus de classique provenant d'Asie !
Mais Lauryn ne savait pas quoi répondre après la grande tirade. C'est vrai que sa philosophie de tout accepter était spéciale et peu commune, elle n'espérait pas convaincre qui que ce soit de penser comme elle. Cependant, sans s'en rendre compte, elle avait été vraiment insensible et avait sans doute blessé sa colocataire. Cette dernière était totalement contrariée par la situation et ce n'était pas bizarre, au contraire. Lauryn lui aurait bien demandé ce qu'elle comptait faire pour remédier à cette situation.
Les personnes les ayant amenées ici avaient clairement les moyens et sans doute les hommes qui allaient avec pour être sûr que tout ce passe bien. Ici, il n'y avait pas d'arme et s'ils commençaient à construire un bateau ou des armes, cela ne se ferait sans doute pas sans difficulté. Elle n'avait pas envie de mettre en jeu sa sécurité pour quelque chose qui ne la dérangeait pas tant que cela.
- Je vais prendre celle-là.
Elle désigna la chambre légèrement plus petite que l'autre qui n'avait pas la vue sur la plage. Le temps qu'Anna trouve une solution, être dans la meilleure chambre, bien qu'un détail, puisse être un plus pour le moral.
- Hum... J'ai un peu faim, je peux préparer quelque chose... Ça te tente ?
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