La remarque de Leo fit rire Hippolyte. Comme s’il venait de sortir la meilleure de blagues. Ce qui était peut-être le cas pour l’autre ? En tout cas, même si Leo avait été sérieux quand il lui avait dit ça, il ne prit pas mal le fait que l’autre se mette à rire. Mais ce qu’il apprécia moins, ce fut quand Hippolyte sorti une cigarette et se mit à fumer comme si c’était la chose la plus normale à faire dans la maison. Alors oui, la fenêtre était ouverte, mais l’odeur pouvait toujours s’imprégner dans les tissus de ses vêtements, et ça il avait du mal à le supporter.
Il hésita pendant un moment à la lui prendre et la jeter par la fenêtre, mais cela impliquait toucher la cigarette et s’approcher de lui, ce dont il n’avait pas envie. Il préférait garder ses distances avec lui. Comme s’il avait la lèpre.
Et puis, ce qu’Hippolyte lui répondit le fit passer sur un sujet qu’il trouvait plus intéressant.
« Pour l’argent, huh ? Je vois. Tu es l’une de ses personnes qui font tout pour avoir de l’argent. »
La moquerie pouvait clairement se percevoir dans ses propos. Il trouvait cette attitude pitoyable. Lui, enfant choyé depuis sa tendre enfance, lui, qui dépensait son argent à la moindre envie. Il était loin d’avoir cette attitude. Celle d’être avide d’argent. Dû au fait d’être né dans une famille riche, il avait fini par voir l’argent comme une chose peu importante, tout aussi utile que n’importe quel objet du quotidien. Pas de quoi en faire un cirque.
« Et bien, si tu es là pour l’argent, je compte sur toi pour faire le ménage et la cuisine alors. »
Bien que cela aurait pu être compris comme une blague, Leo avait une attitude sérieuse, presque condescendante. Pour lui, si quelqu’un était prêt à vivre cette expérience pour l’argent, il était également prêt à s’occuper des tâches ménagères. Alors, il était évident qu’Hippolyte se charge de ça. Après tout, ce n’était pas Leo qui allait s’en occuper.
le doigt sur la détente et s'enclenche la focale figer la pente ascendante de son corps à l'horizontale
hippolyte n'avait aucune honte même quand tu soulignais son avidité : dans un monde comme le vôtre, c'était d'une normalité affligeante cette course à l'argent. et pendant un instant il te trouvait bien innocent à t'étonner de cela. alors il te toise là, toujours amusé, comme l'on s'amuse de la candeur d'un enfant- tu ne connais pas cela ? les grandes études pour les jolis salaires, les jolis salaires pour les familles sans accrocs ? l'on résout tout avec l'argent que cela devient l'élément central de nos pensées, l'on n'est pas quiet de se savoir dépourvus d'au moins quatre chiffres- et hippolyte n'a jamais connu la peur des nombres écarlates mais plus celle de devenir modeste. de devoir retenir ses faits et ses gestes sans profiter de cette richesse acquise- d'exister pour survivre voilà tout. il continue à tirer sur la mort et d'en expirer son chagrin, calmement et avec des gestes mesurés pis il rit encore ! tu es plus divertissant qu'il le pensait alors il poursuit, railleur et en se redressant pour se donner des airs excusez-moi mon prince ! j'oubliais que pour ces connards pédants, l'argent n'est que chose futile. il saisit sa cigarette du bout du pouce et de l'index pour lever le petit doigt- aristocrate de pacotille je comprends vraiment pas le rapport, dis direct que t'as jamais eu à faire le ménage ça serait plus simple (lui non plus) mais sans étonnement c'est un... non. va te faire foutre si tu penses que tu te la couleras douce pendant que je m'occuperai de la maison. ou sinon tu trouves quelque chose d'équitable et qui contrebalance ce fait. il te questionne et te défie, prêt à en découdre en négociations il a des cartes sous la manche et sait bien que toi aussi, car un poker ne serait pas un bon poker sans tricheurs.
Leo observa l’imitation de la haute bourgeoisie faite par Hippolyte avec un air blasé. S’il pensait qu’il était le premier à lui faire ce genre de blague, c’était raté. Leo ne comptait même plus le nombre de fois où il avait vu quelqu’un faire ça. C’en était même presque devenu une habitude. Une habitude ennuyante. La jalousie des autres devenait parfois très agaçante.
« Je n’ai jamais fait le ménage. »
Il pencha sa tête sur le côté, semblant réfléchir.
« Ni cuisiné de ma vie.»
Il fixa de nouveau Hippolyte, prenant en compte son refus et cherchant une solution à ce problème.
« Tu ne veux pas t’occuper des tâches ménagères ? »
Il haussa les épaules et poursuivit sur un ton calme.
« Très bien. Tu n’es heureusement pas le seul habitant sur cette île. Je finirais bien par trouver quelqu’un qui s’en occupera. »
Leo fit parcourir son regard sur l’intérieur de la maison. Elle était bien plus petite que celle qu’il avait en Norvège, de même que pour toutes ses maisons de vacances, mais cela pouvait être un avantage. La surface étant moins grande, il y aurait moins de ménage à faire, cela pourrait donc se révéler moins compliqué que d’embaucher quelqu’un pour prendre soin d’un manoir.
Toujours dans ses pensées, Leo réfléchit à voix haute.
« Je pourrais leur donner de l’argent une fois rentré chez moi… Hm… »
L’argent. Cela pouvait devenir un problème. L’un des concepts de Sindety, c’était de ne pas connaître la pauvreté, de ce fait, tout le monde pouvait profiter de l’argent à profusion. Alors qui accepterait de l’argent supplémentaire alors qu’ils en avaient déjà bien assez ?
Il se tourna de nouveau vers Hippolyte, l’observant comme s’il attendait un accord de sa part.
« Cette égalité des richesses est problématique… »
le doigt sur la détente et s'enclenche la focale figer la pente ascendante de son corps à l'horizontale
il y'a un naturel déconcertant dans tes mots qui le fait frémir un instant : ce petit prince apprend que dans cette demeure, il n'est pas le plus royal. après tout, il n'a que des joyaux de bourgeoisie sur sa couronne de plastique et il rougit honteusement que tes pierres soient plus brillantes que les siennes. il comprend alors que si tu affichais du mépris face à son avidité c'était que réellement l'argent est une fleur qui s'épanouit naturellement à tes pieds et qu'il paraît bien avare à cet instant, lui qui doit se baisser dans les bosquets pour former des bouquets d'or. s'il ne voulait pas, c'était par fierté mais n'est-ce pas une tare de ne pas savoir ? il a envie de rire de toi, toi ignare mais toujours les coquelicots sont à ces joues pour un imperceptible printemps de jeunesse- il se sait immature de t'envier de ce rien mais c'est plus fort que lui. il ne veut pas d'un autre dans ce conflit. c'est trop facile qu'hippolyte pense d'intégrer la possibilité de régler le problème par autrui alors il refuse cette issue d'un mouvement de tête désapprobateur et jette le mégot par la fenêtre un sourire trop sympathique pour être sincère naît sur sa lippe. il retourne sa veste puisqu'il comprend que tu es au-dessus socialement de lui et son miel en devient écœurant tant il est sucré je pourrais t'apprendre. après tout ce n'est pas comme si tu manquais de temps ici. ça prouverait un tantinet ta bonne foi. il cache le vermeil de ses pommettes sous ses grands airs (sans qu'il disparaisse), sourcils relevés.
Lui apprendre ? À faire le ménage ? Et puis quoi encore ? Leo ne voulait pas. Leo avait bien trop la flemme pour ça. Et il n’avait pas non plus envie de perdre les privilèges qu’il avait dans le monde réel. Déjà que son atout principal avait été réduit à néant, il n’allait pas non plus s’abaisser à ce niveau là. Etait-ce un caprice d’enfant pourri gâté ? Oui. Complètement. Il était même incapable de se justifier à lui-même. Il ne voulait tout simplement pas faire d’effort.
« Ah non. J’ai pas envie. »
Un “va te faire foutre” fut sur le point de sortir de ses lèvres, mais il les retint juste avant de les prononcer. Afin d’éviter d’envenimer la situation ou pour coller à l’image de la noblesse polie, il ne savait pas vraiment, mais en tout cas, il préférait ne pas partir en insultes maintenant.
Continuant de réfléchir à comment il pourrait se débrouiller avec le ménage, il finit par fixer Hippolyte avec un sourire narquois, puis changea complètement d’attitude envers lui, le regardant avec une moue triste et dépitée et prenant une voix presque quémandeuse.
« Tu es vraiment vraiment vraiment sûr que tu ne veux pas t’occuper du ménage ? Pourtant, si tu t’en occupes tout seul, tu m’auras moins dans les pattes. Surtout que vu que je ne me suis jamais occupé de ça, je risque de te poser pleeeeeein de questions, ce qui peut devenir très vite énervant. »
Il joignit ses mains, comme s’il allait prier et continua:
« Alors s’il te plait, darling, occupe toi du ménage. »
Il essuya ensuite une larme imaginaire et observa la réaction d’Hippolyte avec son faux air de chien battu.
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